Scarlett, une fleur de soumission qui ne souhaite qu'éclore ~

Claire est née à Paris un jour de neige. D’une famille modeste, elle regrettera de ne pas se souvenir du monde avant ses cinq ans. Avant qu’elle comprenne. Avant. Avant tout. Oh rassurez-vous. Claire n’a pas une vie si affreuse que ça. Elle n’était juste pas à sa place chez elle.

Papa était un homme bourru mais généreux. Il avait du mal à s’exprimer et on le comparait affectueusement à un ours. Maman était plus pipelette mais plus intransigeante aussi. Elle appréciait le ménage bien fait et les choses en ordre. Et puis il y avait Marc. Marc c’était le grand frère. Doué dans ses études, assez mignon, il était évident qu’il était la figure de l’Homme en devenir. Et Claire. Claire qui rêvassait. Qui n’écoutait pas en cours. Qui parlait aux arbres et devenait amie avec les papillons. Petite, Claire avait du mal à différencier l’imaginaire du réel. Alors Papa et Maman prirent la décision de la mettre dans une école pour “jeunes en difficultés”, en internat.

Quand elle a eut quatorze ans, elle est sortie. Sa primaire, son collège avait eu lieu avec les mêmes enfants, les mêmes professeurs, les mêmes murs. Les mêmes sons, les mêmes odeurs. Sauf le jour où on a perdu Jojo. Jojo c’était le lapin de la classe d’à-côté. Un jour il a disparu. C’était si drôle! Tout le monde criait, les garçons parlaient de voitures qui l’auraient écrasé, les filles pleuraient en imaginant la scène. Claire eut un mal fou à ne pas rire. C’était une très drôle journée. Finalement, les instituteurs retrouvèrent le lapin sous l’escalier, terrifié du bruit qui l’avait entouré. Bruit causé par les insupportables et inconsolables écoliers.

Quand elle est retournée chez elle, il lui semblait que les choses avaient changés. Papa était plus bourru que d’habitude, Maman plus fatiguée. Et Marc était absent. On finit par lui annoncer que Marc ne reviendrait plus. Quand Claire demanda pourquoi, les mots teintés d’homophobie la tétanisèrent. Marc avait ramené quelqu’un. Papa avait hurlé et l’avait jeté de la maison. Il était parti vivre avec son copain. Fin de l’histoire. Pourtant… Son père n’était pas quelqu’un de méchant non? Pourquoi avait-il été si violent?

Durant les années d’internat de la jeune femme en devenir, son père s’était découvert une passion pour les jeux d’argent. De fil en aiguille, de gain en perte et de perte en gain, il s’acoquina de mauvaises relations. Des hommes de plus en plus sombres, au passé de moins en moins illégal. C’est comme ça qu’il Le connut. Lui qui deviendra son ami de jeu, son partenaire de crime dirons-nous. Mais quel crime? Un whisky? Un poker? 100 balles? Ce n’était rien d’important non?

La vie suit son cours. Claire va au lycée - où elle obtient un bac littéraire avec mention assez bien - puis en fac de langue - passer une Licence de Langue littérature et civilisation étrangère qu’elle obtient également. Claire est moyenne mais avance. Côté coeur, Claire s’y essaie mais, sous prétexte que sa bouille d’ange est là, on ne lui tient pas tête. On lui cède le peu qu’elle demande et elle-même doit batailler lorsqu’elle pensait ne faire qu’un trait d’humour. Un petit-ami, un amant, un second petit-ami… Boarf… Ça ne lui semblait pas si important que ça. C’est sympa mais entre ses cours, sa nouvelle “indépendance” et cette sexualité un peu fade qu’on lui propose… Oui non, ça ne semble pas si important que ça.

Jusqu’à 2020. L’année précédente, les parents de Claire ont passé un cap. Le père était toujours absent ou ivre, la mère excédée, fatiguée. L’argent disparaissaient et plus la mère gueulait, plus le père perdait aux jeux. Plus elle l’encourageait, plus il perdait quand même… Alors, pour rire, l’homme proposa de vendre le corps de sa fille. De toutes façons, elle ne servait à rien. Ou alors celui de son fils? Quitte à être homo, autant avoir une utilité. Un homme adorable en sommes. Pour autant la mère prit la question au sérieux. Et elle y réfléchit.

Cette année-là, la famille explose. En 2020, Papa meurt. Papa meurt ET laisse une dette monumentale à sa femme. On a apprit que Papa buvait, jouait aux cartes et n’était pas doué. Une dette si violente que même les enfants l’auraient sur les bras. Et elle réfléchissait toujours à la question. Elle aimait ses enfants. Mais… Mais son fils avait un peu plus d’importance. Elle n’en disait rien. Elle réfléchissait à rembourser sa dette. Et un après-midi où Claire travaillait, la réponse sonna à sa porte. Un homme se présenta, poli, la voix suave. Lentement, la mère se laissa convaincre. Donner sa fille oui… elle ne serait pas malheureuse. Alors bon… Pourquoi pas. Elle n’avait pas le choix… Alors, finalement, à bout, Maman dira oui. Pour éponger ses dettes et offrir un semblant de vie à son précieux fils.

Nouvelle au Mystic Swan, elle se laisse emporter lorsqu’on lui présente l’endroit. Elle est accompagnée d’autres femmes. Certaines sont très jolies, d’autres très silencieuses. Claire vaque et s’amuse presque des demandes des maîtres des lieux. Finalement, on lui mettra un joli bracelet violet au poignet. On lui donne une tenue et on l’informe. Elle va travailler ici. En tant que domestique. Elle est une Shade. Maintenant, elle est et sera Scarlett.

“Sincèrement? C’était sympa la vie en famille. Mais j’ai préféré la vie étudiante. C’était plus libre. Et ici… Et bien… Travailler ici n’est pas une mauvaise chose. J’apprends les lieux et les clients. Peut-être même que je pourrais avoir un livre? Ou un carnet…”

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